Ininterrompue depuis presque 15 ans, la hausse alarmante des prix de l’immobilier fait enfin éclater au grand jour l’éventuelle théorie d’une bulle immobilière en France.
Journalistes, agents immobiliers, économistes, tous ces professionnels se risquent à évoquer la possible formation d’une bulle sur le marché immobilier.
Hausse des taux d’intérêts des prêts immobiliers, prix des habitations élevés, évolution de la bulle immobilière, quel est l’avenir du logement en France ? Décryptage.
C’était un des points centraux de la campagne du président de la république Nicolas Sarkozy, obtenir une France de propriétaires, mais à quel prix ?
Sommaire
Définition d’une bulle immobilière
Selon le Prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, une bulle est « un état du marché dans lequel la seule raison pour laquelle le prix est élevé aujourd’hui est que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain, alors que les facteurs fondamentaux ne semblent pas justifier un tel prix. »
Après douze ans de hausse des prix quasi ininterrompue, l’immobilier en France semble avoir atteint un niveau record. Depuis 1998 le marché immobilier français a absorbé une hausse de 141%.
Même au cœur d’une des crises financières les plus graves depuis 1929, l’immobilier a tout juste connu une baisse de 5% entre 2008 et 2009, avant de repartir à la hausse avec un rebond de 9% jusqu’à fin 2010.
Pourquoi évoque-t-on soudainement une bulle immobilière en France ?
C’est le Centre d’Analyse Stratégique (CAS), rattaché au Premier Ministre, qui a officiellement ouvert le débat début mai.
Selon l’un de ses rapports, « l’hypothèse d’une surévaluation des biens immobiliers ne peut être exclue. Si la première phase de hausse pouvait paraître cohérente avec la baisse des taux d’intérêt, il semble aujourd’hui probable que celle-ci ait biaisé les anticipations à la hausse, créant une bulle sur le marché immobilier français. Il n’est pas impossible que cette surévaluation soit confortée par les ménages déjà propriétaires qui sont en quelque sorte “immunisés” contre l’augmentation, tandis que les nouveaux entrants connaissent plus de difficultés. »
Ce rapport démontre que les arguments avancés jusqu’à présent pour justifier la hausse des prix de l’immobilier ne suffisent plus. C’est le cas notamment pour l’argument qui avance la pénurie des biens puisque « sur les 25 dernières années, le nombre de logements a augmenté plus vite que la population ».
En revanche la répartition de l’offre de logements est totalement déséquilibrée sur le territoire et la rareté du foncier dans les zones urbaines les plus demandées contribue à la hausse des prix mais ne suffit pas à expliquer un niveau si haut.
De plus, la croissance moyenne des loyers sur la même période ne plaide pas en faveur de l’hypothèse d’une pénurie des logements. Car si les logements manquaient sur le marché de la location, la hausse des loyers aurait été en moyenne bien plus importante.
Enfin, nous constatons une déconnexion totale entre les prix de l’immobilier et le niveau de revenus des ménages. Alors que les prix du marché immobilier ont plus que doublé en 12 ans (+141%), la hausse du revenu disponible des ménages ne dépasse pas 43%.
L’économiste Jacques Friggit, célèbre pour ses courbes éponymes, et partisan de la bulle immobilière française depuis plusieurs années, explique que l’indice du prix de l’ancien rapporté au revenu disponible des ménages était de 1,77 en 2010. Or, il ne devrait pas dépasser 1,1 suivant ses tendances de long terme.
Le CAS tire des conclusions identiques dans son étude: le rapport entre l’indice des prix et le revenu disponible moyen des ménages français a augmenté de plus de 60% par rapport à son niveau de long terme dans les années 2000.
Les Etats-Unis, l’Espagne et l’Irlande sont aussi passés par cette étape mais la crise financière a permis de ramener le ratio à une tendance plus raisonnable. A la différence de la France, où il a faiblement diminué avant de repartir à la hausse depuis 2010.
De plus, on assiste également à une décorrélation entre le coût de la construction et le prix de l’immobilier neuf.
En outre, un récent article de the économist dévoile qu’en 2011 la France occupe le troisième rang des pays où les prix des biens immobiliers sont les plus sur évalués.
Une telle incohérence entre le pouvoir d’achat des français et le prix du marché immobilier pourrait geler le marché, freiner les transactions et engendrer une chute des prix. Cette hypothèse est d’autant plus probable si la hausse des taux des crédits immobiliers se confirme en 2011 comme cela semble être le cas.
D’autres facteurs économiques pourraient également faire pencher la balance en ce sens: hausse des prix du carburant, de l’énergie, des matières premières, des céréales, hausse du chômage.
Mais il n’était pas indispensable d’attendre un rapport du gouvernement concernant la possible existence d’une bulle immobilière en France car de nombreux auteurs indépendants, bloggeurs et forums relaient cette théorie depuis maintenant une dizaine d’années.
Les responsables de la bulle immobilière
L’Etat
En favorisant les aides financières avec le PTZ+ par exemple, l’Etat encourage les acheteurs à acquérir des biens immobiliers dont le montant dépasserait normalement leur pouvoir d’achat. Ces aides financières alimentent donc artificiellement la demande qui reste plus forte que l’offre.
Les banques
Les conditions de crédit très favorables ont permis aux emprunteurs de s’endetter sur des durées moyennes en hausse afin d’augmenter leur pouvoir d’achat. En mars dernier, la durée moyenne a atteint son plus haut niveau depuis deux ans, à 217 mois, soit un peu plus de 18 ans. Les crédits supérieurs à 25 ans représentent aujourd’hui 27% des prêts, contre seulement 25,8% fin 2010.
Les propriétaires
Les particuliers déjà propriétaires contribuent aussi à la hausse des prix de l’immobilier. Pour financer le rachat d’une nouvelle résidence principale, la seule solution est de revendre leur bien au prix fort. Il ne s’agit pas ici de plus value ou de spéculation mais bien d’une nécessité face à la réalité du marché immobilier. C’est notamment le cas des retraités qui habitent à la campagne et souhaitent se rapprocher de la ville. Le prix des logements en ville ayant explosés, la transition s’avère financièrement difficile.
Les primo-accédants sont évidemment les plus pénalisés par ce mécanisme et se trouvent de plus en plus exclus du marché immobilier actuel.
Quand la bulle immobilière va-t-elle éclater ?
Pour qu’une bulle en soit une, il faut qu’elle éclate un jour et si elle n’éclate jamais, il ne s’agit pas d’une bulle.
Pour cette raison, certains économistes ou professionnels de l’immobilier réfutent l’idée de bulle immobilière en s’appuyant sur le caractère non spéculatif de la hausse des prix.
« On n’est pas sur une bulle parce qu’on n’est pas sur un marché spéculatif, et que, dans l’immobilier, les gens achètent généralement sur du long terme », affirme Laurent Vimont, président du réseau Century 21.
Cet argument est d’ailleurs partagé par le directeur de l’INSEE, Jean-Philippe Cotis, qui pense que les prix très élevés des logements ne sont pas forcément signe de déséquilibre, parce que la hausse n’est pas liée à des comportements spéculatifs.
Si cette thèse est exacte, un retournement brutal du marché immobilier est à exclure. En tout état de cause, il est vrai qu’à la différence de l’Espagne, des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, l’endettement des ménages français reste l’un des plus faibles des pays de l’OCDE. La part de l’investissement résidentiel dans le PIB reste modeste et relativement stable en France, à la différence des pays anglo-saxons et de l’Espagne.
Le deuxième argument défendu par l’INSEE contre la présence d’une bulle immobilière en France est que le taux d’investissement dans la construction est relativement modeste sur le long terme. Ce constat exclut dont une surabondance de logements, donc une demande maintenue. Par le principe des vases communicants, cet argument plaide donc aussi en faveur de la rareté de l’offre.
L’indice de confiance trimestriel du marché de l’immobilier résidentiel français Logic-immo.com indique d’ailleurs une augmentation du nombre des intentions de vente et d’achat d’ici un an, avec un taux d’offres inférieur à la demande.
Faut il vendre ? Faut il acheter ?
Si l’objectif de la vente du bien immobilier est uniquement de réaliser une plus value, la décision la plus sage est probablement de vendre maintenant dans la mesure ou même en hausse, les taux de prêts immobiliers sont encore très favorables au acheteurs potentiels.
De plus, les aides financières en faveur de l’accession encore en vigueur incitent à l’achat immobilier comme nous l’avons vu. Un récent sondage national auprès des études notariales indique que 76% des notaires estiment qu’il faut vendre.
Si l’objectif de la vente du bien immobilier est le rachat d’une résidence principale, la décision est moins tranchée. En effet, lorsque les prix baissent, ils baissent pour tout le monde. Le propriétaire vendra moins cher mais rachètera à un prix également moins élevé.
En ce qui concerne les acheteurs, il est en revanche peut être plus sage d’attendre puisque les prix sont susceptibles de baisser, en particulier si l’achat peut s’effectuer sans avoir recours à un crédit immobilier, ou en contractant un prêt bancaire d’un montant limité. Cependant, pour les acheteurs sans apport, la décision est plus cornélienne dans la mesure ou la hausse des taux immobiliers est enclenchée et ne devrait pas s’arrêter de si tôt.
Dans tous les cas, le contexte actuel suggère un achat raisonné et je vous rappelle les trois critères essentiels dans l’achat d’un bien immobilier: l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement.
Un logement spacieux, le plus proche possible de la ville, disposant d’un accès rapide aux services et aux transports en commun se revendra toujours plus facilement, en particulier en raison de la hausse du prix des carburants. Même si le cœur peut pencher vers le corps de ferme isolé à la campagne, écoutez la raison. 🙄
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