Utilisé au départ par la Nasa pour ses missions spatiales, dans des conditions forcément très différentes de celles que l’on retrouve sur terre, l’isolant mince représente aujourd’hui près de 5% du marché de l’isolation du bâtiment.
Pourquoi l’isolant multi-réflecteurs ne parvient pas à davantage développer ses ventes ? Pourquoi la pose de l’isolant mince est-elle tant controversée ?
Probablement à cause d’une publicité mensongère qui compare la performance thermique de l’isolant mince à des épaisseurs dix fois plus importantes de laine minérale classique.
L’isolant mince ou isolant multicouche est il une arnaque ? Non si l’on en croit un récent communiqué de la société ACTIS concernant la commercialisation de son dernier produit, l’isolant mince réflecteur Triso-Super 12. Rien que le nom m’amuse…
Sommaire
La vérité sur les isolants minces
Les isolants minces sont aussi appelés Produits Minces Réfléchissants (PMR). Ils se constituent d’un matériau (fibre organique ou végétale, mousse plastique, bulles d’air), enrobé de feuilles thermiques réfléchissantes dont l’objectif est de réduire les échanges par rayonnement en diminuant l’émissivité d’une des deux faces. Leur épaisseur varie entre 5 et 30 mm.
Si vous vous posez encore des questions sur la performance thermique de l’isolant mince appliquée à l’isolation d’un logement, je vous conseille avant tout de parcourir un article de début d’année dans lequel j’évoquais l’escroquerie de ce produit, notamment dénnoncée par le CSTC.
Un isolant mince performant ?
L’industriel Actis propose depuis peu un isolant mince qui permettrait d’obtenir la même performance thermique qu’une laine minérale traditionnelle, avec une épaisseur plus de 4 fois inférieure.
Actis commercialise des isolants minces depuis 1980.
Cependant, la controverse des isolants minces, et l’absence d’accréditation officielle de la part d’un organisme officiel de certification n’a jamais permis à ce produit de ce hisser au rang des isolants standards sur le marché de l‘isolation.
Premier organisme mis en cause, le CSTB qui a longtemps dénoncé le pouvoir isolant des isolants minces.
Actis repproche notamment au CSTB de ne réaliser des tests uniquement en laboratoire.
L’entreprise a donc traversé la Manche en octobre dernier pour aller faire tester son isolant mince en situation réelle, auprès de l’organisme britannique BM Trada.
Cet organisme indépendant de certification spécialisé dans le secteur du Bâtiment depuis 35 ans est acrédité par l’UKAS et reconnu dans 33 pays dont la France, et conforme à la RT2012.
En outre, BM Trada est aussi membre de l’EOTA et l’homologue anglais du Cofrac français.
L’isolant mince au banc d’essai
Le test en situation réelle a consisté a mesurer les consommations de deux maisons identiques, l’une isolée avec un isolant mince de chez Actis et l’autre avec une laine minérale.
Le test a duré trois mois. Le résultat plaide pour la première fois de son histoire en faveur de l’isolant mince : 3,5 cm d’isolant mince « Triso Super 12 ” correspond à plus de 20 cm de laine minérale.
Avec cet avis technique reconnu en Europe, Actis compte bien faire croître la vente de son isolant mince et concurrencer les laines de verres et autres laines de roche sur le marché de l’isolation.
La performance des isolants certifiés par BM Trada seraient donc incontestable selon Actis, qui prévoit dans la foulée de faire certifier le reste de sa gamme auprès de cet organisme. En effet, ce gage de qualité officiel s’apparente à la poule aux oeufs d’or pour une société qui commercialise des isolants minces.
Privilégier un test in situ plutôt qu’un test en laboratoire comme celui du CSTB pourrait paraître plus approprié pour mesurer la performance d’un isolant.
Encore faudrait il que la méthode utilisée reflète convenablement la réalité. Nous avons hélas pu constater en 2011 les nombreuses arnaques du Diagnostic de Performance Energétique (DPE), pourtant réalisé in situ.
Je pense en particulier à ce lecteur de mon Blog (qui se reconnaitra) et qui m’a conté ce retour d’expérience pour le moins surprenant :
Souhaitant vendre son bien immobilier, il fait réaliser un DPE qui classe son logement en C. Il change d’avis et ne vend pas. Deux ans plus tard et après avoir changé l’ensemble de ses menuiseries pour du double vitrage, il fait à nouveau réaliser un DPE dans l’objectif d’une vente : le logement est désormais classé D !
De plus, comment peut il exister une telle différence de résultat entre le CSTB et BM Trada pour un même produit ? Cette seule question peut prêter à réflexion.
Par ailleurs, la méthode d’évaluation in situ réalisée pour mesurer la performance de l’isolant mince d’ACTIS est une méthode mise au point par la société ACTIS elle même.
L’accréditation par UKAS de BM TRADA signifie simplement que la méthode est convenablement appliquée par le laboratoire concerné, pas forcément que la méthode est bonne.
Même si chacun peut se forger sa propre opinion en fonction de ses convictions, j’avoue que pour ma part, rien ne vaut l’expérience et le vécu.
Et dans ce domaine, les différents retours d’expérience malheureux de particuliers déçus par l’isolant mince et qui exposent leur mécontentement sur de nombreux forums sont autant de preuves que la performance de l’isolant mince est discutable.
Certes, il est toujours possible de trouver des mécontents pour n’importe quel produit, pourtant, concernant les isolants, force est de constater que la laine minérale suscite une controverse inexistante, du moins en ce qui concerne sa performance. Elle peut irriter la peau, elle prend de la place, elle se tasse avec le temps mais elle isole ! Et c’est bien là ce qu’on lui demande en premier lieu.
Pour conclure, à ma connaissance, il n’existe aucune maison certifiée BBC et qui n’utilise que l’isolant mince pour tout isolant. Et la norme BBC a pourtant pour objectif de certifier des logements économes en énergie.
L’avis de l’Ademe sur les isolants minces
L’Ademe s’est récemment appuyée sur deux études réalisées dans le cadre du programme national de recherche et d’expérimentation sur l’énergie dans le bâtiment, afin de rendre son verdict concernant les isolants minces. Selon elle, les isolants minces doivent être utilisés en complément d’isolation thermique et posés par des professionnels, compte tenu d’une nécessité de mise en oeuvre relativement stricte.
La performances thermiques des isolants minces a été étudiée dans le cadre de deux études de 2007 réalisées pour le PREBAT :
- l’une conduite par l’Ecole des Mines de Paris et le CSTB,
- l’autre dirigée par le fabricant KDB Isolation et associé au CNRS.
Leurs résultats sont convergents et sans appel : l’utilisation seule des isolants minces ne permet pas d’atteindre les niveaux requis par la réglementation. Les isolants minces peuvent à la rigueur être utilisés en complément d’une isolation thermique épaisse.
En effet, la performance thermique des isolants minces est deux à trois fois inférieure à celle d’un isolant classique de type laine minérale, en particulier en période froide.
En outre, les isolants minces étant très étanches à la vapeur d’eau, en absence de lame d’air ventilée, ils peuvent même favoriser la condensation intérieure avec des risques dégradation de la paroi et un impact sanitaire.
Le nouvel isolant mince réflecteur Triso-Super 12.
L’isolant mince réflecteur TRISO-SUPER 12 de chez ACTIS mesure 35 mm d’épaisseur à bords décalés. Il annonce une performance thermique sous avis technique équivalente à 210 mm de laine minérale (λD = 0,04, R = 5,25 m².K/W.)
(et la marmotte, elle emballe le chocolat…) 🙂
En laissant de côté les a priori, en particulier les miens qui sont plutôt tranchés et tenaces, il convient d’insister sur la mise en œuvre parfaite dont doit faire l’objet cet isolant mince.
En effet, sa pose doit présenter des lames d’air régulières de 2 cm d’épaisseur au moins de part et d’autre et l’isolant mince doit être bien tendu entre ces lames d’air. Cette mise en œuvre très compliquée à obtenir, reste possible en paroi verticale, mais elle devient quasiment impossible dans le cas d’une toiture inclinée.
Par ailleurs, ajouter 4 cm de lames d’air à cet isolant mince revient à considérer qu’il est efficace à partir de 75 mm (épaisseur de l’isolant mince compris), soit une épaisseur bien supérieure à celle d’une laine minérale à performance égale. Et le gain de place est pourtant le principal argument de l’isolant mince.
Notons cependant que l’isolation des façades avec des isolants minces intéresse d’autres industriels comme le poids lourd Saint-Gobain, concurrent d’ACTIS. Ce dernier propose un complexe avec isolant mince sous vide encapsulé dans du polystyrène. D’après le fabricant, 10 cm de cet isolant permettent d’obtenir une résistance thermique de 7.
A titre de comparaison, il faudrait une épaisseur deux fois supérieure pour atteindre la même performance avec une laine minérale.
Pourtant, en raison de son prix très élevé, ce produit ne trouve aucun acquéreur.
Pour aller plus loin :
Evaluation du pouvoir isolant de l’isolant mince par le CSTC
Evaluation du pouvoir isolant de l’isolant mince par le CSTB